Dans le contexte géopolitique actuel [1], la transformation numérique offre aux forces amphibies l’opportunité de progrès opérationnels significatifs, et notamment d’une meilleure interopérabilité. Qu’est-ce qu’une opération amphibie ? Une opération amphibie est une manœuvre qui consiste, depuis la mer, à projeter une force aéroterrestre sur un territoire tenu par une force adverse. Une force amphibie est donc une force interarmées capable de produire des effets tactiques sur le littoral. L’amphibie : pourquoi ? Par son étendue, et du fait de la souplesse du droit maritime international [2], la mer offre une grande liberté d’action pour les puissances militaires. Elle permet également le transport de masse : 90% du trafic international en volume passe par la mer. Ce qui est valable pour le commerce l’est également pour la projection des forces (engins, matériels, troupes). Pour ces raisons, les opérations amphibies jouent un rôle majeur dans les conflits depuis l’Antiquité : batailles de Marathon, invasions normandes, etc. La Seconde Guerre Mondiale a constitué l’âge d’or de l’amphibie avec les débarquements d’Afrique du Nord, de Provence et de Normandie et la campagne du général Mac Arthur dans le Pacifique. Plus récemment, la guerre des Malouines a parfaitement illustré la force de la capacité amphibie avec deux débarquements consécutifs, argentin puis britannique. Enfin, sur la base de leur expérience de combat récente en opération extérieure [3], les forces armées françaises consacrent une part importante de leur préparation opérationnelle à s’entraîner à réaliser ce type d’opération exigeante. Mais est-il suffisant de posséder des bâtiments amphibies et des forces aéroterrestres projetables pour prétendre disposer d’une force amphibie opérationnelle ? Mettre en œuvre des opérations amphibies : un enjeu fort, des contraintes multiples Une opération amphibie impose d’agir dans tous les milieux [4]. Ainsi, en matière de commandement, il est indispensable d’obtenir une parfaite interopérabilité interarmées au niveau tactique. Celle-ci nécessite ainsi de maîtriser un ensemble de savoir-faire complexes, tant dans la préparation de la mission que dans sa mise en œuvre, comme l’appui aérien ou la défense surface – air. En particulier, la maitrise de la 3ème dimension est fondamentale car la force doit conduire dans une zone restreinte des appuis feu et des raids hélicoptères, tout en assurant la défense surface air de ses propres forces. Or prendre l’adversaire de vitesse, lui imposer son tempo en raccourcissant la boucle de décision, nécessite de réaliser ces missions en même temps. La ségrégation géographique ou temporelle ne représente plus un niveau d’intégration suffisant pour obtenir la supériorité opérationnelle. Il faut pouvoir identifier positivement toutes ses forces face à un adversaire qui fera également peser une menace 3D par ses drones aériens. Pour y parvenir, il est indispensable d’avoir une interopérabilité entre les systèmes d’information tactique de la Marine (les CMS[5]) et de l’Armée de terre (les BMS[6], tels que SICS pour la France). Cette interopérabilité réduirait fortement la probabilité de tir fratricide et raccourcirait la boucle de décision qui permet de neutraliser une cible adverse. Aujourd’hui, ces besoins spécifiques se heurtent à des limites capacitaires dans les armées. L’amphibie : quelles limites pour pouvoir répondre aux besoins ? Pour avoir la capacité d’obtenir cette supériorité stratégique et opérationnelle qu’offre l’amphibie, certains défis restent encore à relever. Hétérogénéité des systèmes de commandement (C2[7]) L’hétérogénéité des systèmes C2 et des liaisons de données tactiques associées pénalisent le partage d’information au niveau tactique en temps réflexe. C’est un frein à l’interopérabilité. Ainsi, la volonté de réaliser des opérations intégrées en multi-milieux multi-champs (M2MC) se heurte aujourd’hui à la réalité technique sur le champ de bataille. Absence de numérisation de certaines unités Trop d’unités ne sont pas numérisées par manque de technologies adaptées (miniaturisation et connectivité). Or le manque de numérisation induit encore trop d’échanges radiophoniques interceptables par les systèmes de guerre électromagnétique de l’adversaire, ce qui nuit à la discrétion, condition préalable à l’effet de surprise. Par ailleurs, les unités non numérisées ne sont par définition pas visibles par les autres forces. Difficile d’envisager toute coordination dans ces conditions. Alors, quelles solutions apporter pour renforcer la capacité amphibie des armées ? La transformation numérique au profit des opérations amphibies Interopérabilité des C2 tactiques Seule l’interopérabilité des SIOC [8] en temps réflexe peut garantir l’unicité du commandement. Or aujourd’hui, en France, les SIOC tactiques de l’Armée de Terre et de la Marine nationale sont de classifications différentes et n’utilisent pas les mêmes liaisons de données pour partager leurs situations. Ils ne sont pas nativement interopérables. L’enjeu national est donc de disposer d’une passerelle multiniveaux spécialisée permettant l’interopérabilité entre les liaisons tactiques de chaque milieu (la LH pour l’Armée de Terre et la L16 pour les autres Armées). Numérisation de toutes les unités Il est nécessaire de numériser toutes les unités et notamment la batellerie, les sections navales de plage, les drones et les unités élémentaires de la force terrestre amphibie. En France, ces dernières le seront grâce au déploiement de SICS débarqué. En complément, il faut envisager l’implémentation d’un SIOC léger adapté aux besoins des unités navales. Le haut débit en appui du combat aéroterrestre Une fois l’effet de surprise passé et le débarquement engagé, les unités de la zone d’opération amphibie peuvent alors bénéficier d’une meilleure connectivité. Aujourd’hui, SICS est contraint par le faible débit des postes VHF de l’Armée française (PR4G). En complément, la mise en œuvre de bulles 4G à partir du PHA dans certaines phases peut offrir à la force projetée une capacité ponctuelle de communication à haut débit. C’est d’autant plus important que les opérations dronisées, de plus en plus nombreuses, sont gourmandes en flux de données (vidéo). L’intégration fonctionnelle des drones pour l’efficacité opérationnelle La dronisation offre de multiples opportunités en matière de recueil d’informations. La phase critique de la reconnaissance de plage gagne à être réalisée en discrétion par des drones de surface ou sous-marins afin de conserver l’effet de surprise le plus longtemps possible. Quant aux drones aériens, ils offrent un apport majeur en matière de recueil de renseignement, de ciblage, mais également de neutralisation (munitions téléopérées). Toutefois, disposer de nombreux drones n’est pas suffisant. Pour les raisons évoquées précédemment, il est indispensable que leurs informations soient intégrées dans les SIOC tactiques. Il faut à minima que leur position soit partagée à toutes les unités grâce à une forte interopérabilité. Par ailleurs, un drone peut être inefficace s’il ne parvient à transmettre en temps réflexe l’information critique qu’il a détectée, comme la position d’une cible, quelle que soit la performance de ses capteurs. Un système d’intégration des drones aux différents C2 constitue une réelle plus-value pour les forces armées. Les opérations amphibies sont très exigeantes, à tel point que ce domaine interarmées pourrait sans doute être considéré comme le niveau de synthèse, permettant de juger du niveau opérationnel des forces armées d’un pays, et de leur interopérabilité. La numérisation et la robotisation peuvent aujourd’hui améliorer sensiblement l’efficacité opérationnelle d’une force amphibie. SICS a été lancé puis développé par Eviden en lien étroit avec l’Armée de Terre, en s’adaptant aux contraintes fortes que lui imposaient le contexte des opérations aéroterrestres : grand nombre d’unités hétérogènes, contraintes de débit du PR4G, etc. Ce même savoir-faire peut permettre de s’adapter aux contraintes d’une force amphibie pour lui apporter les capacités numérique et l’interopérabilité dont elle a besoin. Pour en savoir plus, rendez-vous à EURONAVAL, stand l116 du 4 au 7 novembre 2024. Réservez une démo ou une réunion: Euronaval 2024 References [1]Par exemple, la contestation de zones maritimes en mer de Chine qui a induit une évolution de la doctrine et de la composition de l’US Marine Corps. Lire à ce sujet le document « Force Design 2030 » : CMC38 Force Design 2030 Report Phase I and II.pdf (marines.mil) [2]Cf. convention de Montego Bay de 1982 [3]Opération Harmattan [4]Pour en savoir plus sur les opérations amphibies, lire la doctrine américaine sur le sujet sur le site du Joint Chiefs of Staff : JP 3-02, Amphibious Operations, 4 January 2019 (jcs.mil) [5]Combat management system [6]Battle management system. Le BMS des forces terrestres françaises est le système d’information du combat SCORPION (SICS) d’Eviden [7]Command and control [8]Système d’information opérationnelle et de communication