Écoconception, réduction des emballages plastiques, efficacité énergétique, recyclage… De plus en plus, l’aspect environnemental est pris en compte dans la conception des supercalculateurs (ou superordinateurs).

En 2022, le supercalculateur délivré par l’Italie, baptisé Leonardo, était officiellement classé au 4ème rang du TOP500 des supercalculateurs les plus puissants du monde, avec un pic de performance impressionnant allant jusqu’à 238 pétaflops (millions de milliards d’opérations de calcul par seconde). Cette prouesse technologique était également reconnue pour sa responsabilité écologique, puisque Leonardo s’est classé 10ème dans le classement mondial Green500, un classement qui évalue les supercalculateurs ayant la meilleure efficacité énergétique, soit le rapport entre la puissance de calcul et la consommation électrique.

C’est dire à quel point l’empreinte écologique est aujourd’hui au cœur des préoccupations liées à la conception de ces machines aux applications multiples, de la simulation nucléaire aux projections météorologiques en passant par la recherche fondamentale dans le domaine de la santé.

 

Calculer plus vite en consommant moins

L’optimisation de l’efficacité énergétique repose d’abord sur la réduction de la consommation du système, en s’appuyant notamment sur le edge computing (qui consiste à traiter les données au plus près de la source de ces dernières). C’est l’un des leviers principaux qui permet de transporter de la donnée prémâchée, le serveur ayant déjà réalisé les premiers niveaux d’analyse. L’amélioration des algorithmes est également clé, pour minimiser la quantité de calculs et accroître la rapidité d’exécution.

Quant au refroidissement du système, l’autre source principale de consommation d’énergie, il peut être réalisé via des méthodes moins énergivores comme le DLC (Direct Liquid Cooling) à base d’eau chaude glycolée, permettant de capter les calories au plus près du composant qui chauffe, et ainsi d’atteindre un PUE (pour power usage efficiency) neutre, soit le plus près possible de 1.0 (rapport entre énergie dépensée à refroidir, et l’énergie totale dépensée). Ainsi, la chaleur peut être récupérée et revalorisée dans des systèmes de chauffage afin d’optimiser encore davantage l’utilisation de l’énergie, et faire descendre le PUE en dessous de la barre des 1.0.

 

Des tonnes de métaux à recycler

L’autre enjeu écologique majeur de ces machines a trait à leur fin de vie. La force d’un supercalculateur est de pouvoir s’appuyer sur les dernières technologies disponibles, que ce soit pour les processeurs, les barrettes mémoire ou autres. Il peut durer très longtemps,jusqu’à 10-12 ans, mais les clients le renouvellent en moyenne au bout de 5ans. Cela fait beaucoup de matières à recycler pour ces ordinateurs ultra-performants qui nécessitent des surfaces allant jusqu’à plusieurs centaines de mètres carrés pour leur installation, et contiennent facilement 1000 kilos de métaux purs par rack (ou « baie » en français, désignant des armoires renfermant le matériel informatique) – sachant qu’un supercalculateur en contient plusieurs dizaines.

Une fois démantelé, généralement par le fabricant lui-même qui a l’obligation légale de gérer la fin de vie, le supercalculateur passe en pièces détachées dans les filières de recyclage, aussi bien pour les métaux (valorisés en tant que matière brute dans l’industrie) que pour la partie électronique : processeurs, disques durs, cartes électroniques… Bien qu’ elle s’améliore, cette filière de recyclage est néanmoins limitée par sa complexité. Prélever les divers métaux (or, cuivre, silicium…) imbriqués sur les cartes électroniques requiert en effet un travail manuel ou chimique important. Certains pays se sont spécialisés dans la revalorisation des déchets électroniques et électriques, tels les pays d’Europe de l’Est qui ont des industries spécialisées pour cela. L’inconvénient majeur est néanmoins l’impact environnemental de ces filières de recyclage, qui in fine donne un ratio coût / gain écologique favorable, mais limité. Même si en tant que fabricant, nous n’avons pas la main sur cette filière, nous pouvons améliorer la manière dont sont faits nos produits, de manière à faciliter le démantèlement et le recyclage.

Une alternative existe néanmoins au recyclage : la réutilisation via la revente à des pays en voie de développement souhaitant s’équiper d’anciennes technologies, à un coût modéré. Chez Eviden, il nous arrive de récupérer des supercalculateurs pour en faire des plus petits clusters pour des pays en Afrique ou encore en Europe de l’Est.

 

Réflexion autour des matériaux

À l’horizon des innovations technologiques, l’épuisement potentiel de certains métaux rares et précieux, essentiels dans l’industrie électronique comme le cobalt, le nickel et le lithium, se profile comme une ombre menaçante sur le futur de la fabrication des supercalculateurs. Cette préoccupation n’est pas prise à la légère par les fabricants. Conscients des enjeux, ils s’engagent proactivement dans la recherche de solutions alternatives. Le but est ainsi de réduire significativement l’utilisation des métaux dits 3TG (or, étain, tantale, tungstène), les substituer par d’autres innovations technologiques ou les remplacer par des matériaux de nouvelle génération lorsque cela est réalisable.

Focus réglementation

Le terme “3TG” fait référence aux métaux Tantale, Étain, Tungstène et Or, souvent cités comme “minéraux de conflit”. Leur extraction est parfois liée à des conflits armés et à des violations des droits de l’homme, en particulier en Afrique centrale. Face à ces enjeux éthiques, des régulations internationales ont été mises en place pour assurer une chaîne d’approvisionnement responsable.

Les entreprises impliquées dans l’exploitation et le commerce de ces métaux sont tenues de pratiquer une diligence raisonnable pour identifier et gérer les risques associés à leur chaîne d’approvisionnement, afin de garantir qu’ils ne contribuent pas à alimenter les conflits.

Cette démarche s’accompagne d’une attention particulière portée à la provenance des matériaux. La rigueur dans le choix des fournisseurs est cruciale pour s’assurer que les matériaux utilisés respectent non seulement les critères de durabilité mais aussi les normes éthiques.

En outre, l’alignement avec les dernières réglementations et standards internationaux constitue un autre pilier essentiel de cette approche responsable. Le respect strict des directives telles que la RoHS (Restriction of Hazardous Substances) de l’Union Européenne est impératif. Cette directive vise à limiter, voire interdire, l’utilisation de substances dangereuses dans la fabrication des équipements électriques et électroniques. Cette conformité réglementaire garantit non seulement la sécurité des utilisateurs mais contribue également à la préservation de l’environnement.

Focus réglementation

La directive RoHS de l’Union européenne restreint l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques. Elle vise à protéger la santé humaine et l’environnement en limitant l’usage de matériaux nocifs tels que le plomb, le mercure et le cadmium, ainsi que certains retardateurs de flamme et plastifiants.

Les fabricants doivent se conformer à la RoHS pour vendre leurs produits en Europe, ce qui encourage la production et la conception de produits électroniques plus sûrs et plus écologiques

Ainsi, la conjugaison de ces efforts – réduction de l’usage de métaux rares, vigilance accrue dans le sourcing, et conformité aux normes environnementales – trace une voie plus durable et responsable pour l’avenir de la technologie des supercalculateurs.

 

Relocaliser la production, une priorité géopolitique et environnementale

La production des composants clés des supercalculateurs, tels que les circuits imprimés, est désormais au cœur d’une stratégie de souveraineté nationale, dans un contexte de compétition technologique internationale menée par les États-Unis, la Chine, le Japon et la France.

Pour ce qui est du design Eviden (XH3000), la fabrication des cartes qui était précédemment assurée en Inde a été partiellement transférée vers la France, et l’Europe de l’Est, marquant ainsi une étape importante vers la relocalisation.
Un autre avantage significatif de cette stratégie est la diminution de l’impact environnemental associé aux chaînes logistiques. La pratique consistant à expédier des boîtiers métalliques vides de la Chine vers la France est en passe d’être révolue. Ces modifications majeures dans la gestion des chaînes d’approvisionnement devraient entraîner une réduction de 50% des émissions de CO2 dues au transport des matériaux pour les produits conçus par Eviden d’ici à 2025, par rapport aux niveaux de 2019.

Tous les pays ont besoin de puissance de calcul pour des besoins civils et militaires. Garantir une souveraineté européenne sur ces sujets-là permet de s’assurer qu’en cas de difficulté géopolitique, nous sommes toujours capables de fabriquer, concevoir et maintenir la puissance de calcul. L’Europe doit en effet être à la pointe de la technologie pour affirmer sa position centrale et stratégique concernant les futurs défis numériques. Rappelons ici le cas de la société américaine Supermicro, dont les serveurs auraient été équipés de micropuces à la demande de l’armée chinoise selon l’agence Bloomberg. L’intérêt premier du rapatriement en Europe de la fabrication de cartes électroniques est la maîtrise des flux et des sources pour Eviden.

Chez Eviden, nous travaillons à la définition de la future génération d’usine et avons pour objectif de doubler la capacité de notre usine de supercalculateurs située Angers.